Ingénieur de formation, Bruno CASSIN complète sa formation par un 3éme cycle de gestion financière avant de débuter sa carrière chez SCHLUMBERGER WIRE LINE.
”SCHLUMBERGER, une vraie vie de terrain, un idéal quand on aime la liberté et que l’on est célibataire”.
Bruno CASSIN raconte : ”Avec SCHLUMBERGER, j’ai découvert l’industrie du pétrole, nous étions prestataires de service pour les grands groupes pétroliers, Elf, Total, mais aussi de nombreuses sociétés américaines. Notre mission était très stratégique car nous étions en charge de l’analyse du sous-sol. En clair, confirmer s’il y avait du pétrole, du gaz, ou simplement de l’eau. Un travail souvent dur et pénible mais toujours exaltant, où la relation avec le client restait primordiale.”
”Notre analyse était capitale pour la suite de l’exploration du champ. Si l’on décelait la présence de gaz ou de pétrole, alors là, fête et champagne à volonté. Mais cela pouvait être aussi ”soupe à la grimace” si l’on décelait la présence d’eau. Sur le plan technique SCHLUMBERGER était au zénith, nous disposions d’un matériel High Tech (que le groupe ELVIA fabrique aujourd’hui, ironie du sort). C’était la semaine des 35 heures réalisées en deux jours, avec la découverte de l’Afrique Noire et du Sahara. Nous étions à la fois géologues et service après-vente. Cette vie en marge de la société m’a apporté un enrichissement personnel sur le plan relationnel mais également un acquis professionnel extraordinaire.”
En1984, Bruno CASSIN entre chez Alcatel à Coutances et une de ses premières missions, sera de mettre en place ce qui allait devenir la FAO. A l’époque, il fallait encore réfléchir au concept et c’est en collaboration avec la Société ”Centaure Robotique” qu’un cahier des charges fut élaboré. Centaure Robotique, une Start up menée par un team de centraliens.
Après avoir dirigé une petite usine de prototypes dans les années 87 – 88, c’est en 1992, que Bruno CASSIN est nommé PDG de la filiale Alcatel Coutances. De 1992 à 2000, la croissance est excellente. Bruno CASSIN la gère avec pragmatisme. 2001, c’est le choc lié à la bulle internet et c’est la descente aux enfers qui entraînera nombre de très bonnes sociétés en France, en Europe et partout dans le monde, encore une fois, Bruno CASSIN gère cette baisse d’activité avec lucidité.
En 2002, Alcatel cherche à vendre ses usines de circuits imprimés. En Belgique la décision sera de fermer, il reste l’Italie et la France. Plusieurs projets sont alors élaborés mais le principe d’une reprise par des salariés dirigeants n’est pas à priori écarté. Lorsque l’on pose la question à Bruno CASSIN : Etes-vous intéressé ? La réponse fut oui, un oui sans hésitation, encore fallait-il discuter du plan dans son ensemble. L’objectif d’Alcatel n’était pas de faire un choix purement financier, mais plutôt de donner les meilleures chances pour pérenniser cette usine.
Indiscutablement pour les responsables d’Alcatel, la confiance existante dans l’équipe de direction en place a joué pleinement. En effet, Coutances avait su gérer à la fois, les périodes de croissance importante, mais également les périodes douloureuses. L’équipe constituée autour de Bruno Cassin dans ce projet de reprise est déjà expérimentée, la stratégie en place est définie, aussi les principaux ingrédients sont réunis. Ces 4 responsables associés au capital d’elvia PCB, on les retrouve aujourd’hui. Michel JOUAN responsable des opérations et depuis janvier 2007 directeur du site de Coutances. Philippe GIORGIADIS directeur commercial du groupe. Patrick PRIVE responsable technique du groupe. Christian GRAVET responsable fabrication sur elvia PCB.
”Cette opération de reprise a été faite avec l’appui et la volonté d’Alcatel.” Le choix fut bon, puisque de 2003 à 2006, les résultas sont plutôt flatteurs en regard de cette industrie en général. ”Au départ, Alcatel nous a bien accompagnés, et cela mérite d’être souligné” affirme Bruno CASSIN et par ailleurs, nous avons également su répondre à leurs attentes. En clair, on joue ”gagnant-gagnant”. Aujourd’hui, Alcatel est encore un client majeur mais ne représente plus que 20% du CA total et encore faut-il se rappeler, que la proportion était inverse il y a 4 ans.
Nous avions programmé dès le projet de départ, de réaliser une acquisition afin de bien renforcer notre offre technologique. Ce fut le fait avec l’acquisition de AVI et PESCHARD, souligne Bruno CASSIN, ceci était tout à fait en ligne avec la stratégie définie.
LITHOS en revanche, est une acquisition réalisée pour accompagner un client majeur qui nous l’a demandé. Il était nécessaire de sécuriser cette entreprise très performante dans le domaine de l’hyper fréquence. Il a fallu décider vite et nous l’avons fait alors même que l’entreprise connaissait de très graves difficultés financières.
Nous sommes à un tournant de notre époque. De grandes entreprises telles que Philips Evreux, PPE et ROWEL à Bayonne ont disparu, mais également nombre de petites et moyennes entreprises. Les chiffres sont éloquents : il y avait plus de 200 entreprises il y 20 ans et environ 40 aujourd’hui. Pour certains de ces exemples, il s’agit d’entreprises dont l’histoire est fortement liée à un homme, une carrière est en train de se terminer. La problématique d’une reprise de ces entreprises fondées par ces hommes très respectables n’est pas simple. Pour ces sociétés de petite taille, la problématique réside dans la culture mais aussi dans la capacité à investir en hommes et en moyens. Par ailleurs, il est évident que comme dans toute industrie, notre métier a atteint une certaine maturité. La période de création est révolue depuis plus de 25 ans et depuis 10 ans, les crises succédant à la pression des prix, font que l’on assiste à une réduction considérable du nombre d’acteurs. Maintenant il s’agit d’affirmer que notre métier est utile voire indispensable à l’industrie de l’électronique et par conséquent il faut qu’il survive en Europe donc en France. Alors, le regroupement s’impose, car cela donne la possibilité de mutualiser les moyens et de faire face aux difficultés financières et d’investissements. On peut estimer que la production de circuits imprimés en France serait de l’ordre de 230 millions d’euros.
Après avoir connu une forte réduction dans les années 2000-2003, le marché reste stable voire avec une légère érosion souligne Bruno CASSIN, pourtant l’exigence technologique requiert encore d’avantage de moyens. Actuellement, seulement 10 entreprises réalisent en France 80% des besoins en circuits imprimés, les 30 autres se partageant les 20% restants. =>La seule solution est la mutualisation. Les entreprises établies sur des niches résisteront. Pour les autres et il s’agit de la majorité, il est nécessaire de continuer d’exister en mutualisant nos efforts, mais aussi de regarder au-delà des frontières pour le moins partout en Europe.
”Mon inquiétude est autant en direction de l’Allemagne que de la Chine. En effet, l’industrie allemande a su préserver des outils industriels pour répondre aux besoins de l’automobile, le seul marché de volume qui persiste en Europe. Que se passerait-il si ce marché basculait en Chine ?”
Avec une Allemagne affaiblie nous aurions, outre une ”guerre” fratricide, une difficulté structurelle. En effet, nos fournisseurs de matière et d’équipements seraient une fois de plus affaiblis. Nous ne pouvons exister sans ces partenaires qui nous épaulent, sur la technologie et dans notre quotidien.
Notre avenir passe par deux batailles à mener de front :
La première est une bataille sur la technologie, et se faire décrocher serait irrémédiable. La seconde est une bagarre ”sans fin” sur les prix : nos entreprises doivent continuer d’évoluer pour sans cesse réduire les coûts. Les regroupements participent à ces économies.
15 ans, jour pour jour, après avoir pris la direction d’Alcatel Coutances, Bruno CASSIN rachetait le 1er juillet 2007, l’unité de fabrication de circuits imprimés de SAGEM Lannion.
L’aéronautique est pour le groupe elvia PCB, un marché cible qui représente plus du 1/3 de son chiffre d’affaires. SAGEM c’est aussi un fort potentiel dans les domaines de la défense et de la sécurité.
SAGEM c’est aussi le groupe SAFRAN avec des technologies qui nous intéressent au plus haut chef, des technologies que l’on maîtrise bien, souligne Bruno CASSIN. Nous pouvons apporter à ces sociétés une approche industrielle renforcée, c’est donc une reprise en parfaite adéquation avec mes convictions.
Propos recueillis par Alain Milard, lors du salon de l’aéronautique et de l’espace du Bourget en juin 2007