La France est l’heureuse héritière d’une longue tradition dans l’aérospatiale, comme le prouvent les entreprises Airbus Defence and Space, Thales Alenia Space et le CNES (Centre National d’Études Spatiales), dont les noms sont connus dans le monde entier. De nombreux facteurs expliquent le succès que connaissent ces entreprises, mais le plus important est sans aucun doute leur capacité à utiliser les meilleurs matériaux, équipements et pièces détachées pour la conception et la fabrication de leurs produits.
Parfois, ces pièces détachées sont disponibles en Europe, et d’autres fois, les entreprises françaises de l’industrie aérospatiale doivent se fournir hors du continent européen. Ceci est particulièrement vrai en matière de convertisseurs DC-DC, dont la quasi totalité des meilleurs fournisseurs du marché est basée aux États-Unis. De ce fait, pour l’industrie aérospatiale, parvenir à se procurer les meilleurs convertisseurs DC-DC du marché relève souvent du parcours du combattant.
Cependant, les récentes modifications apportées aux règlementations américaines sur les exportations (Export Administration Regulations - EAR) facilitent l’accès des entreprises françaises aux composants électroniques durcis aux radiations à usage spatial, sans avoir à subir les contraintes liées aux règlementations américaines sur le trafic international d’armes (International Traffic in Arms Regulations - ITAR). Malcolm Campbell, directeur exécutif des ventes internationales chez VPT, détaille ciaprès les conséquences pour le secteur.
L’importance de la fiabilité
Est-il encore besoin de rappeler l’importance capitale de la fiabilité dans le domaine de l’aérospatiale ? Il y a eu plusieurs exemples récents en Russie de missions satellite ayant échoué à cause de l’utilisation de composants non conçus pour un usage spatial. Pour des missions de cette importance, il est inutile de vouloir utiliser des composants abordables ou plus facilement accessibles, plutôt que ceux spécifiquement conçus pour fonctionner dans les conditions spatiales.
Il convient en effet de choisir les meilleurs composants, quelle que soit leur origine de par le monde ; mais comment déterminer leur niveau de qualité et de fiabilité ? Les convertisseurs DC-DC, convertisseurs de point de charge, filtres anti-perturbations électromagnétiques (EMI) et autres modules de puissance sont proposés par un certain nombre de fabricants, tous affirmant offrir des produits présentant le plus haut degré de qualité. Mais, quand il s’agit d’applications aérospatiales, le plus haut degré de fiabilité doit correspondre à des critères précis en termes de performances électriques et environnementales ainsi qu’à des exigences précises en termes de qualité.
Les différences entre les différents degrés de fiabilité peuvent s’avérer subtiles et peuvent être difficiles à déceler en présence de techniques marketing astucieuses. La documentation du produit doit dans ce cas être lue avec la plus grande attention et des questions spécifiques doivent être posées pour déterminer la nature exacte du produit, à savoir ce qu’il est et, tout aussi important, ce qu’il n’est pas. Comme éléments de base à vérifier, nous pouvons citer : la température de fonctionnement maximale, l’herméticité, la conformité aux standards de l’industrie militaire et des qualifications environnementales strictes.
Selon l’objectif du programme, les organisations peuvent exiger différents niveaux de certification pour les composants. Il convient de choisir des composants tolérants les rayonnements ou durcis aux radiations. Pour une utilisation en orbite terrestre basse (LEO) ou lorsque le convertisseur DC-DC affiche un blindage adéquat, une dose absorbée de 30 krad(Si) est souvent suffisante. Pour les orbites terrestres plus hautes ou les missions plus longues, une dose absorbée de 100 krad(Si) est plus indiquée. La dose ionisante TID (Total Ionizing Dose) doit être vérifiée par le fabricant par rapport aux données de tests du composant, à la pire éventualité, et aux données de test relatives au convertisseur dans son intégralité.
Les convertisseurs DC-DC hybrides à usage spatial, qu’ils tolèrent les rayonnements ou soient durcis aux radiations, doivent répondre aux exigences des normes militaires américaines MIL-PRF-38534 établies par l’agence américaine de logistique pour la Défense (Defense Logistics Agency, ou DLA). Le fabricant doit pouvoir justifier d’un plan d’assurance durcissement aux radiations (RHA) certifié par le DLA conformément à l’annexe G de la norme MIL-PRF-38534. Les convertisseurs DC-DC à usage spatial sont disponibles sur SMD (Standard Microcircuit Drawings) et relèvent en général de la Classe K.
Acheter des convertisseurs DC-DC aux États-Unis
Bien qu’il existe des fabricants de convertisseurs DC-DC en Europe, les produits qu’ils fabriquent sont en général plutôt utilisés pour les applications industrielles. Les qualifications et certifications officielles les plus strictes pour les composants à usage spatial en matière de fiabilité sont celles délivrées par le Département de la Défense des États-Unis. De ce fait, les États-Unis sont un acteur majeur du marché des convertisseurs DC-DC à haut degré de fiabilité. Auparavant, acheter sur le marché américain n’était pas exactement synonyme d’une promenade de santé, à cause des règlementations américaines ITAR et EAR, portant respectivement sur le trafic international d’armes et sur les exportations, qui étaient un frein à la fabrication, à la vente et à la distribution de nombreux produits technologiques.
Les règlementations ITAR et EAR visent à règlementer l’accès à certains types de technologie, en empêchant la divulgation ou le transfert de toute information potentiellement sensible à tout pays étranger aux États-Unis. Les restrictions du dispositif ITAR s’appliquent à une liste d’articles et de services prédéfinis, tandis que les règlementations EAR concernent la Commerce Control List (CCL), une liste d’articles faisant l’objet de règles particulières, dont des produits ayant des applications à la fois commerciales et militaires.
Pour être en accord avec les règlementations ITAR et EAR, les fabricants ou exportateurs de produits figurant sur l’une ou l’autre des deux listes doivent s’enregistrer auprès de la Direction des contrôles commerciaux en matière de défense (Directorate of Defense Trade Controls) rattaché au Département d’État des États-Unis. Pour les acheteurs étrangers, cela supposait également un processus lent et fastidieux jalonné de multiples procédures administratives.
Cependant, les règlementations ITAR et EAR datant de l’époque de la Guerre froide, elles s’avèrent moins pertinentes dans le monde d’aujourd’hui, au point d’être considérées comme un obstacle aux exportations américaines et que, dans le cadre de l’initiative de réforme du contrôle des exportations instaurée par le Président des États-Unis, une réforme du contrôle des exportations américaines a été prévue. Cette réforme avait pour objectif d’augmenter la compétitivité de certains secteurs de l’industrie américaine en renforçant les contrôles sur les menaces réelles du moment. Suite à une révision complète des règlementations et techniques, des modifications ont été apportées par le Congrès, qui a travaillé en étroite collaboration avec le secteur privé.
Conséquence directe : les convertisseurs 30 krad et 100 krad sont beaucoup plus facilement accessibles pour les entreprises basées hors des États-Unis. Les produits 30 krad à usage spatial, qui tombaient jusque là sous le coup des règlementations ITAR, sont désormais classés EAR99 et donc éligibles à l’exportation sans autorisation préalable. En outre, les produits 100 krad à usage spatial sont désormais régis par la convention ECCN 9A515e (numéro de classification du contrôle des exportations) de la règlementation américaine EAR. À quelques rares exceptions près, cette classification autorise l’exportation vers 36 pays, dont la France, le Canada, les Royaume-Uni, l’Espagne, l’Allemagne et le Japon, et ce, sans avoir besoin d’autorisation spécifique (cf. article 742.6 du EAR).
Quelles conséquences pour l’industrie aérospatiale française ?
Cette simplification de l’accès aux convertisseurs 30 krad et 100 krad va marquer un important tournant pour l’industrie française de l’aérospatiale. En effet, les délais d’obtention de convertisseurs DC-DC ayant fait leurs preuves, spécifiquement conçus pour l’espace, sont désormais considérablement réduits, ce qui constitue une amélioration majeure, en particulier dans le cas de premiers échantillons pour un projet donné. Avant la réforme, une simple demande d’autorisation d’importer des convertisseurs pouvait prendre plusieurs mois. Comme ces licences n’étaient accordées qu’une fois par mois, si une deuxième demande intervenait juste après une première requête déposée dans le même mois, l’acheteur devait attendre jusqu’au mois suivant avant que sa deuxième demande ne soit traitée. L’assouplissement des lois américaines sur les exportations permet aux entreprises françaises de se procurer des convertisseurs DC-DC beaucoup plus rapidement sans avoir à subir la procédure fastidieuse auparavant obligatoire. Désormais, les projets aérospatiaux français vont ainsi bénéficier de la sécurité et de la confiance assurées par l’utilisation de composants qui correspondent à leurs besoins, c’est-à-dire destinés à un usage spatial.
Bien entendu, pour les entreprises de l’industrie française aérospatiale, de nombreux facteurs entrent en ligne de compte au moment de réaliser leurs achats. Le prix et l’accessibilité sont évidemment ceux qui viennent en premier à l’esprit, mais la qualité du produit ne peut non plus être négligée. Pour garantir le succès d’un programme, il convient idéalement de considérer uniquement les fabricants de composants ayant contribué de longue date au succès de programmes spatiaux qui offrent des composants répondant aux critères fixés par votre programme.
En résumé, ces récentes modifications de la réglementation américaine relative aux exportations contribuent largement au succès de l’industrie aérospatiale en France, les entreprises pouvant désormais sélectionner leurs composants au regard de leur qualité générale et de leur usage recommandé et non plus seulement en fonction de leur disponibilité.
Malcolm Campbell est le directeur exécutif des Ventes internationales chez VPT.