Le Groupe Technique du GFIE tente dans les lignes suivantes de répondre à cette question.
A.Pourquoi un profil thermique ?
La plupart des fabricants de crèmes indiquent dans les fiches techniques fournies à leurs clients un profil thermique recommandé pour chacune de leurs crèmes ou pour chaque groupe de produits similaires. Généralement, le profil est indiqué sous forme graphique, mais il s’agit quelquefois de simples données chiffrées (du type x minutes à y °C). Pour chaque crème, il y a une tolérance en + ou en - pour chaque phase de sa mise en oeuvre. Dans le cas d’un profil sous forme graphique, il est donc préférable de préconiser une fenêtre thermique même si certains fabricants n’indiquent que des valeurs optimales.
Le profil thermique forme un tout, entre le démarrage de la mise en oeuvre à température ambiante et le retour à l’ambiante. Une modification d’une partie du profil thermique entraine des modifications sur le reste du profil.
Il ne faut pas oublier que le profil thermique recommandé concerne la crème à braser elle-même et ne tient pas compte des variations de température susceptibles d’apparaître du fait des masses thermiques des différents composants ou substrats ou des variations des quantités de crème déposées. Dans le cas où l’on contrôle que le profil thermique obtenu dans un four est conforme aux recommandations du fournisseur, il faut utiliser un appareil qui enregistre la température que subissent les points les plus critiques de l’assemblage. Les sondes de température qui contrôlent le four ne permettent que de s’assurer de la reproductibilité des réglages et ce pour un même circuit.
B.Rappels sur les crèmes à braser
Une crème est composée de poudre de l’alliage de brasure et d’une partie non-métallique souvent appelée simplement flux (contenant des activateurs, solvants, liants, agents divers). Le mélange en masse est de 90/10 et en volume 50/50 (poudre métallique/partie non métallique). La partie métallique est destinée à assurer le contact électrique et la tenue mécanique après refusion tandis que la partie non métallique désoxyde les surfaces métalliques et abaisse la tension de surface de la plage d’accueil de façon à ce que l’alliage métallique de la crème se répartisse le plus uniformément possible sur celle-ci et confère des propriétés de mise en oeuvre lors de la sérigraphie (temps d’attente, pouvoir collant …) et de mouillabilité à la crème. L’ensemble constitue un mélange homogène qui doit être stable.
C.Les différentes phases du profil thermique
Pour schématiser, nous pouvons découper le profil thermique ci-dessus (Schéma 1) en 3 phases :
1.Préchauffage.
Cette phase est très critique. Elle est caractérisée par une ou deux vitesses de montée en température (V1) et par la température atteinte en fin de préchauffage. Il peut y avoir 2 vitesses de montée en température, dans les cas où on distingue le séchage et le préchauffage.
La phase de préchauffage/séchage a les rôles suivants :
Evaporer une partie des solvants présents dans la partie non métallique de la crème. Amener les différents éléments à assembler à une température suffisante pour éviter un choc thermique lors de la phase suivante (brasage/mouillage).
Amener le flux de la crème à sa température d’activation optimale (Cf illustration ci-dessous dans le schéma 2) .
2.Mouillage et brasage : phase appelée couramment : REFUSION
Cette seconde phase permet d’atteindre la température de mouillage (phénomène physique d’étalement en fine couche d’un liquide sur une surface ou un substrat) nécessaire pour réaliser un joint brasé. Généralement, la montée en température est rapide après la fin du préchauffage et on doit atteindre une température supérieure au Liquidus de l’alliage (c’est à dire la température au-dessus de laquelle l’alliage est dans un état totalement liquide) et la maintenir pendant une certaine durée. Cette phase est caractérisée par la vitesse de montée en température (V2), la température de pic (T2) et la durée d’exposition (D) à une température au-dessus du point de fusion de l’alliage (Liquidus).
3.Refroidissement.
Cette phase est souvent considérée comme non-critique. Cependant, le refroidissement après le brasage proprement- dit doit être contrôlé, faute de quoi on peut avoir des soudures froides ou des tensions internes dans les joints si la pente est trop importante, qui conduiront éventuellement à des cassures. Dans le cas d’un refroidissement trop lent alors une croissance dendritique peut être observée. Cette phase est caractérisée par la vitesse de refroidissement (V3) jusqu’à l’ambiante.
D.Les facteurs qui influent sur le profil thermique ?
Tout d’abord, le liquidus de l’alliage de brasure est déterminant pour la température de pic (T2) mais aussi pour les paramètres de préchauffage (T1 et V1). La température de pic (T2) dépend de la composition de l’alliage. Pour les alliages contenant du plomb, on considére que T2 devait être d’environ 10 à 30 °C au-dessus du liquidus (soit 193°C à 213°C pour l’alliage 63Sn/37Pb dont le point de fusion est 183°C). Ce Δt permet d’assurer le mouillage et de tenir compte des légères différences de point de fusion résultant de variations de la composition (la teneur en étain est généralement contrôlée à +/- 0.5%), des teneurs en impuretés et, dans une certaine mesure, de la granulométrie de la poudre d’alliage. En effet, dans le cas des alliages sans plomb on a affaire à des compositions sensiblement différentes (alliages Sn-Cu + additions mineures ou Sn-Ag-Cu) ce qui fait que les zones de fusion (c’est-à-dire les différences entre Liquidus et Solidus) peuvent varier. Ne pas oublier que les alliages Sn/Ag/Cu (SAC305, SAC307, etc.,) présentent des zones pâteuses de quelques degrés. Dans tous les cas, la température de pic T2 est donnée par la température de Liquidus +Δt.
Etant donné que les Liquidus des alliages sans plomb sont généralement nettement plus élevés que ceux des alliages traditionnels contenant du plomb (comme l’illustre le schéma 3 ci-dessus : environ 40°C), la température de pic T2 risque d’endommager certains composants. De ce fait, les fabricants ont cherché à minimiser le Δt. Ceci est fait en attachant un soin particulier aux alliages utilisés et à leur pureté, et en augmentant l’efficacité et la rapidité d’action des flux. On voit ainsi que pour le même alliage (composition nominale) différents fabricants sont susceptibles de recommander des T2 différents. La composition de la partie non métallique de chaque crème influe sur le profil thermique : sur T2 (et D) mais également sur les paramètres de séchage/préchauffage (V1 et T1).
Le mélange de solvants doit s’évaporer lentement, sans être porté à ébullition (dans ce cas, il y aurait des projections de flux accompagnées de particules métalliques créant des billes de brasure). Il en résulte une vitesse V1 et une température maximale à la fin du préchauffage (T1) adaptée au mélange de produits non-métalliques dans la crème.
Par exemple, les parties non métalliques des crèmes dites sans nettoyage s’évaporent rapidement en ne laissant que peu de résidus. Si l’évaporation est trop rapide, la crème est sèche au moment de la phase de mouillage/ brasage entrainant la formation de "soudures sèches". Si l’évaporation est trop lente, il y aura des résidus liquides au moment de l’exposition à T2 et la possibilité que ceux-ci soient brutalement portés à leur température d’ébullition entrainant des projections (microbilles de brasure) et en laissant des résidus importants après brasage (l’assemblage ne peut plus être alors considéré sans nettoyage).
On voit qu’on a plus de tolérance sur le profil thermique si on utilise des crèmes de type CMA, RMA, RA, CA, c’est-à-dire pour les types de flux qui contiennent de la colophane. Dans ce cas, on pourra nettoyer ou ne pas nettoyer, selon les produits utilisés et les impératifs de production (en particulier isolement superficiel SIR ou testabilité par pointes).
Le mélange d’activateurs présents dans la crème joue un rôle important sur V1, T1, V2 et T2. L’action chimique de ces activants est optimale dans une certaine fourchette de température, et nécessite un certain temps. Les activants non-halogénés souvent utilisés dans les crèmes sans nettoyage sont chimiquement actifs à basse température, mais généralement plus lents que les activants halogénés. Leur action cesse au-delà d’une certaine température (de l’ordre de 120°C ). Il en résulte que pour les crèmes no-clean, V1 sera relativement lent et T1 sera limité à la température maximale d’action. Dans le cas des activants halogénés, leur action chimique ne se développe qu’à partir d’une certaine température (environ 80°C) et leur action de désoxydation est plus rapide. V1 et T1 pourront avoir des valeurs plus élevées.
La plupart des fabricants de crèmes ont mis au point des mélanges d’activants (halogénés et non-halogénés) qui permettent d’obtenir une plus grande efficacité globale du flux, tout en ne laissant que très peu de résidus. Ceci implique souvent une phase de séchage distincte de la phase de préchauffage, ce qui se traduit par 2 vitesses de chauffe V1A plus lente (pour le séchage) et V1B plus rapide (pour activer le flux et lui permettre d’agir sur les surfaces à braser). En outre, hormis les activateurs les autres substances contenues dans une formulation influent sur tous les paramètres du profil : ils doivent jouer leur rôle jusqu’à la phase de brasage et la majeure partie doit disparaitre ensuite.
La phase de refroidissement est caractérisée par la vitesse de refroidissement V3. Celle-ci dépend essentiellement de l’alliage utilisé et de la température T2 à laquelle le mouillage a eu lieu. Le refroidissement est particulièrement critique avec les alliages sans plomb qui contiennent généralement de l’étain et du cuivre. Un refroidissement trop lent favorise la formation d’intermétalliques Sn-Cu, qui fragilisent les joints et rendent leur aspect granuleux. Un refroidissement trop rapide risque d’entrainer une ségrégation (les alliages sans plomb ne sont pas des eutectiques et ont une zone pâteuse) formant des intermétalliques dans la masse des joints et les rendent cassants (lorsqu’ils sont soumis à des chocs ou des vibrations). Par contre, un refroidissement rapide laisse généralement un aspect de surface lisse et régulier.
E.Résumé et recommandations. Les différences entre les profils thermiques résultent (a) des différences de composition des alliages présents dans les crèmes, (b) des différences de composition des parties non-métalliques des crèmes, et (c) des différentes interactions entre les ingrédients d’une crème. Les recommandations des fabricants sont précieuses mais doivent être adaptées à chaque application car elles ne peuvent tenir compte des éventuels refroidissements localisés sur un circuit (par exemple composants de puissance ou radiateurs qui "pompent" de la chaleur, ou les différentes couleurs des composants qui n’absorbent pas les mêmes quantités de chaleur dans le cas d’un chauffage par Infrarouge).
Une fenêtre d’utilisation est recommandée, de façon à avoir une tolérance sur les temps et les températures. Le réglage du four de refusion sera différent selon les circuits utilisés et les composants à assembler, même si le profil thermique donné par le fabricant de crème reste le même : ce qui est important c’est la température de chaque joint lors de sa formation. Plus les zones de chauffage du four seront nombreuses, plus il sera facile de s’approcher du profil thermique idéal. La complexité de la composition des crèmes à braser doit inciter les utilisateurs à suivre le mieux possible les recommandations des fabricants en particulier le profil thermique.