Grâce à ces nouvelles technologies, nous pouvons identifier la source de potentiels problèmes avant même qu’ils ne surviennent et réagir au plus vite pour assurer le maximum d’efficacité.
Depuis plusieurs années, l’IBM Institute for Business Value travaille sur une « supply chain cognitive ». Elle s’appuie sur l’IoT enrichi de fonctions cognitives (IoT cognitif), qui exploite davantage de données pour faciliter la prise de décisions. D’après IBM, « L’analyse prédictive est de plus en plus utilisée pour tous les processus de la supply chain, y compris la gestion des actifs, des stocks, de l’énergie et des parcs d’équipements ».
Aujourd’hui, nous pouvons collecter en temps réel des volumes considérables de données. La cartographie illustre parfaitement cette tendance. Initialement, il s’agissait de numériser des cartes physiques. Désormais, nous créons des cartes dynamiques en 3D qui ne cessent de s’enrichir avec de nouvelles couches d’informations.
La cartographie numérique comprend maintenant des plans d’entrepôts, d’aéroports et de terrains privés, mais aussi des données à propos de la circulation et des conditions météorologiques. Savoir à tout moment où se trouve sa marchandise n’a jamais été aussi simple.
En plus de la localisation des marchandises, l’IoT cognitif permet aux acteurs de la supply chain de collecter des données comme la température, l’humidité, les chocs ou encore le retrait des sceaux de sécurité. Avoir de la visibilité sur sa supply chain signifie désormais bien plus que « où se situe ma marchandise » ? L’aspect cognitif entre en jeu lorsque ces données sont enrichies par des capacités d’analyse nettement améliorées, comme l’analyse prédictive. L’intelligence artificielle permet ainsi de non seulement gérer les problèmes lorsqu’ils se produisent, mais aussi de les prévoir. Cette fonction est particulièrement intéressante lorsqu’un incident survient en amont et peut compromettre le bon déroulement de toutes les étapes ultérieures. En identifiant les aléas à temps et en minimisant ainsi leurs conséquences, l’IoT cognitif contribue à l’optimisation de la supply chain.
Pour atteindre cet objectif, il faut pouvoir non seulement gérer d’énormes quantités de données, mais aussi s’assurer que l’intelligence artificielle fournisse des informations de qualité qui permettront de prendre les meilleures décisions.
Le défi de l’IoT cognitif est de ne conserver que les informations utiles et pertinentes parmi les zettaoctets de données que nous produisons chaque jour. Prenons par exemple le cas d’une société dont le travail consiste à empêcher les moteurs de camions de tomber en panne en comparant des informations télématiques aux programmes de maintenance et aux données relatives aux défaillances d’autres moteurs similaires. L’opération couvre 40 000 véhicules, et les données, qui ne représentent qu’une pièce du puzzle pour cette seule société, se chiffrent déjà en millions ! Selon le Forum économique mondial, l’univers numérique dans son ensemble devrait atteindre 44 zettaoctets d’ici 2020. C’est 40 fois plus d’octets qu’il n’y a d’étoiles dans l’univers observable.
L’IA est un outil formidable, capable d’analyser de larges volumes de données et d’en extraire des informations utiles dans des scénarios extrêmement complexes. À titre d’exemple, l’intelligence artificielle DeepMind AlphaGo de Google a réussi à battre en 2017 le numéro un mondial Ke Jie au jeu de Go. Il n’y a pas à chercher bien loin pour trouver d’autres exemples, démontrant clairement qu’il est possible à l’intelligence artificielle d’apprendre des stratégies incroyablement sophistiquées et de les appliquer à des activités humaines. Imaginez si vous pouviez « gamifier » la supply chain de la même manière. Après tout, l’optimisation de la supply chain n’est pas si différente d’un jeu de Go. Il est tout à fait envisageable qu’un système intelligent apprenne à résoudre les problèmes stratégiques les plus importants de la chaîne d’approvisionnement.
Pour autant, l’expertise humaine est nécessaire. Notre valeur ajoutée réside dans notre capacité de discernement et de prise de décision sur la base d’informations diverses. Nous pouvons par exemple répondre à des questions du type : quelles pièces doivent être achetées et auprès de qui ? Dans quelle mesure les itinéraires sont-ils fiables ? A quel endroit stocker les marchandises : plutôt dans des camions sur la route ou dans des centres de distribution stratégiques ? Et, peut-être plus important encore, quel est mon plan B en cas de problème ?
L’intelligence artificielle, quant à elle, est incapable de prédire, par exemple, les changements qui découlent d’événements politiques majeurs et dont l’impact sur les échanges commerciaux peut être très important. En vérité, il existe de nombreux cas où l’intelligence artificielle échoue. Prenons l’exemple d’une vidéo YouTube où on découvre qu’il suffit de peindre une tortue imprimée en 3D pour qu’elle soit classifiée comme une arme à feu. Ces erreurs techniques peuvent sembler anecdotiques de prime abord, mais elles ne sont pas sans conséquences. Dans ce cas précis, cette technologie défectueuse aurait dû être utilisée pour assurer la sécurité dans les aéroports. Il s’avère que les systèmes d’intelligence artificielle font des erreurs comme nous. Les ordinateurs peuvent ingérer de grandes quantités de données et les classifier selon un modèle donné ; ils ne peuvent pas (encore) proposer de solutions exhaustives à des problèmes complexes.
La solution consiste à adopter une approche associant intelligence artificielle et expertise humaine ; un concept connu sous le nom d’intelligence augmentée. Selon une description d’IBM, l’intelligence augmentée est « une collaboration cognitive, un co-apprentissage rapide – dans n’importe quel domaine et dans n’importe quelle langue – entre de multiples parties prenantes et où l’ordinateur serait une entité ». Une démonstration du potentiel de cette intelligence augmentée a été faite lors de la célèbre course de chevaux américaine Kentucky Derby 2018, lorsque la start-up Unanimous A.I. a utilisé l’intelligence humaine collective sur sa plate-forme IA pour deviner le quarté gagnant, dans l’ordre. Les parieurs se sont connectés à la plate-forme d’Unanimous A.I. pour répondre à des questions et aboutir progressivement au top quatre parmi les 20 chevaux partants. Ni la plate-forme d’intelligence artificielle, ni les individus n’auraient été en mesure d’aboutir seuls à ce résultat étonnant.
L’optimisation cognitive de la supply chain consiste donc à conjuguer intelligence artificielle (capable de traiter d’importantes quantités de données pour anticiper les problèmes) et talent humain (capable de trouver des solutions à ces problèmes). Ensemble, l’intelligence artificielle et les individus peuvent réaliser plus qu’ils ne le pourraient séparément.
De nombreux obstacles persistent et entravent l’optimisation de la supply chain cognitive. Les données se trouvent par exemple souvent sur de multiples serveurs, derrière de nombreux pare-feu, tout en appartenant à différents propriétaires… Et même lorsque les données sont disponibles, elles ne sont pas toujours fiables, précises et dans un format normalisé facile à injecter dans un système de gestion, aussi intelligent soit-il. Déterminer avec précision les données dont on a besoin, la façon de les obtenir, de vérifier leur exactitude et de les rendre compatibles avec ses propres systèmes informatiques est une tâche très laborieuse. Heureusement, dans beaucoup de cas l’IA apporte des solutions.
Une autre difficulté réside dans le fait que plus l’intelligence artificielle devient sophistiquée et puissante, plus il est difficile de comprendre exactement ce qu’elle fait. Les techniques d’apprentissage automatique sont des sortes de boîtes noires. C’est une des raisons pour lesquelles il faut vérifier les résultats fournis par l’intelligence artificielle avec beaucoup plus de rigueur que ceux d’algorithmes que l’on sait expliquer. Cette étape de vérification vient s’ajouter au travail que représente la mise en place de l’intelligence artificielle au sein de la supply chain.
Pour relever ce défi, nous devons collaborer, et ce à une échelle sans précédent dans l’univers de la supply chain. Aucune société seule n’est à même de venir à bout de cette tâche immense. C’est précisément la raison pour laquelle a été fondé en février dernier l’Institute of Advanced Research in AI (IARAI) à Vienne. L’IARAI est le premier institut mondial de recherche spécialisé dans l’apprentissage automatique, créé pour utiliser des données de géolocalisation à l’échelle industrielle. Il se présente comme une passerelle faisant intervenir l’ensemble de la communauté de la supply chain, pour permettre une comparaison collaborative des moteurs d’intelligence artificielle. Si vous envisagez de confier des éléments déterminants de votre supply chain à une boîte noire, vous devez être certains que cela ne vous enverra pas dans un cul-de-sac.
Nous avons l’opportunité d’optimiser la supply chain de façon radicale. Nous pouvons aller bien au-delà des promesses initiales de l’informatisation plus intelligent, plus rapide, moins cher. La question qui se pose est la suivante : quelles mesures allez-vous mettre en oeuvre pour obtenir les données dont vous avez besoin, pour les exploiter de façon efficace et pour en profiter au maximum ?