Le monde du travail se voit bouleversé par cette ère d’innovation induite par l’IA, et, comme à chaque disruption, des métiers tendent à disparaitre alors que d’autres se créent ou se renouvellent pour répondre à de nouveaux usages et de nouveaux besoins. Le métier de Knowledge Manager fait partie de ces « nouveaux » métiers de l’IA. En réalité, il n’est pas récent, puisque le knowledge manager n’est ni plus ni moins qu’un gestionnaire de connaissances. Cet archiviste des temps modernes a pour mission de capitaliser et de transmettre des connaissances. C’est lui qui est chargé de la centralisation, du contrôle, de la diffusion et de la gestion des savoirs et des techniques au sein d’une entreprise. Néanmoins, à l’ère de l’Intelligence Artificielle et des données massives qu’elle nécessite pour apprendre, s’améliorer et délivrer les bonnes informations, le métier de Knowledge Manager tend à évoluer et à intégrer de nouvelles missions.
Une Intelligence Artificielle telle qu’un chatbot interroge des données structurées et non structurées, et récupère rapidement une réponse à une question posée, pour la fournir ensuite à l’utilisateur. Ce matching questions/réponses n’est pas magique. Quelqu’un doit s’assurer que les connaissances requises pour répondre aux questions des utilisateurs figurent bien dans le Système d’Information ou dans la base de connaissances du chatbot. Cette capitalisation peut se faire de deux manières.
Pour la majorité des chatbots, leur base de connaissance est à constituer manuellement. Les informations sont soit compilées dans des documents divers, soit dématérialisées et à la seule connaissance des employés ou des conseillers support. C’est alors au Knowledge Manager de rassembler ce savoir en fournissant un travail conséquent et chronophage de recherche et d’élicitation des informations. Une connaissance générale préalable du contenu de la base de connaissances est donc essentielle pour parvenir à mobiliser les bonnes ressources.
Les chatbots intégrant des technologies plus évoluées, comme le Machine Reading, sont, eux, capables de générer automatiquement leur base de connaissances en absorbant une documentation et en produisant toutes les Questions/Réponses possibles à son sujet. Cela évite donc au Knowledge Manager la tâche de les rédiger manuellement. Il demeure néanmoins nécessaire de contrôler cette génération automatique en vérifiant si la documentation est complète et permet bien de répondre à la majorité des questions sur le périmètre défini. Dans le cas contraire, il lui faudra compenser ces lacunes en fournissant à l’Intelligence Artificielle les exemples ou réponses manquantes.
Cette étape de capitalisation effectuée, le Knowledge Manager doit se confronter à une seconde étape essentielle : le nettoiement et l’épuration de la base de connaissances. En effet, une Intelligence Artificielle a besoin de données « propres » pour bien fonctionner. De mauvaises données sont d’ailleurs souvent à la base des problèmes affectant l’IA.
Par « mauvaises données », nous entendons :
Les données qui "polluent" le contenu informatif (i.e. les méta-données comme les noms des rédacteurs/correcteurs, les dates d’édition, les déclarations de propriétés ou les copyrights) ;
Le contenu obsolète et/ou qui n’a pas été mis à jour ;
Les données mal structurées (les images, schémas et tableaux sans légendes ou qui ne sont pas accompagnés de contenu textuel).
Effectuer cette épuration est une partie importante du travail de Knowledge Manager, car la plupart des bases de connaissance des entreprises sont résolument « sales », mal organisées et/ou incomplètes. Or, un chatbot répondant aux requêtes des clients a besoin d’une base de connaissance propre, fiable et constamment mise à jour pour pouvoir délivrer des réponses adaptées.
Le Knowledge Manager doit donc travailler avec l’entreprise au nettoyage et au maintien de la documentation afin de s’assurer qu’elle soit toujours bien rédigée et structurée.
Une Intelligence Artificielle s’exprimant sous la forme d’un robot conversationnel intègre un moteur de traitement du langage naturel. Pour pouvoir coupler une réponse à une question, l’IA doit ainsi effectuer une recherche sémantique. Celle-ci doit reposer, pour être efficiente, sur une bonne segmentation du texte (en phrases, en expressions et en mots) de manière à reconnaître les termes et les notions importantes de ce qui est contenu en base de connaissances mais également dans les requêtes des utilisateurs. Ce recours à une ressource formalisant les relations entre les mots ou les notions d’une langue (ontologie) permet au chatbot de comprendre la question et d’identifier la réponse correspondante à partir de la documentation existante. C’est une nouvelle fois au Knowledge Manager que revient la (lourde) tâche de construire cette ontologie.
Une Intelligence Artificielle doit être formée, et cela représente une quantité non négligeable de travail. Avant son implémentation dans une entreprise, l’IA est testée et documentée, comme le souligne un article du journal KM World : « Il a fallu une équipe de base de 20 chercheurs pour construire la machine à battre Jeopardy de Watson (à laquelle s’est ajoutée une équipe secondaire importante). De même, l’équipe AlphaGo a passé 18 mois à faire des recherches sur le jeu très complexe de Go. »
Les Knowledge Managers sont là pour coordonner ces recherches et gérer l’assimilation des connaissances par l’IA.
Une fois l’Intelligence Artificielle implémentée, au sein d’un chatbot pour une entreprise par exemple, la formation continue. En effet, si l’Active Learning permet à l’IA de s’améliorer progressivement au fil des utilisations, il demeure nécessaire de superviser son apprentissage afin d’optimiser ses performances. Le Knowledge Manager s’assure alors du bon fonctionnement de l’IA, corrige les réponses erronées et renforce les algorithmes au besoin.
Une documentation n’est jamais fixe et définitive. De nouvelles connaissances sont sans cesse à introduire dans la base de connaissances. C’est au Knowledge Manager de s’assurer que les nouveaux documents soient écrits, rédigés et indexés correctement, qu’ils soient bien pris en charge par l’Intelligence Artificielle et que les mises à jour se déroulent sans encombre. En parallèle, le Knowledge Manager doit également monitorer les performances de l’Intelligence Artificielle pour s’assurer que le taux de satisfaction des utilisateurs ne chute pas et que la pertinence des réponses demeure suffisante.
Nous entendons souvent parler d’Intelligence Artificielle destructrice d’emplois, en ce qu’elle automatise des tâches jusque là attribuées à l’homme. Il est donc bon de rappeler qu’une IA est, par nature, artificielle, et qu’elle nécessite des intelligences humaines pour être développée et implémentée. En tant que spécialiste des connaissances et des données, les Knowledge Manager, comme les Data Scientists, vont jouer un rôle clef dans la mise en œuvre des projets d’Intelligence Artificielle. C’est un métier qui tend donc à se généraliser, à mesure de l’adoption massive de l’IA par les entreprises de toutes tailles. Plus d’Intelligence Artificielle implique donc plus d’emplois pour ces gestionnaires de connaissance 2.0, aux missions et compétences multiples.