Est-il aujourd’hui aberrant d’envisager d’utiliser l’usinage ou le moulage par injection pour des prototypes ? Ce n’est pas l’avis de Proto Labs, société spécialisée dans la fabrication de pièces prototypes et de pièces de série dans des délais très courts, qui utilise pour ses clients les 3 méthodes de fabrication. Bernard Faure, Directeur Europe du Sud, nous explique pourquoi.
Recours systématique à la fabrication additive : attention danger ! L’invention, dans les années 80 de la stéréolithographie (SLA) a révolutionné la fabrication de pièces en plastique qu’elle a permis de produire très rapidement et à moindre coût en s’affranchissant de la création d’un programme d’usinage ou d’un moule. Grâce à elle il est devenu possible d’obtenir des pièces prototype en un claquement de doigt, à partir d’un modèle CAO.
Depuis, elle a ouvert la voie à plusieurs autres méthodes de fabrication additive qui permettent également de travailler les métaux ainsi que certaines matières minérales ou organiques. Avec l’amélioration des performances des imprimantes 3D, la fabrication additive n’est par ailleurs plus limitée au prototypage ; elle est désormais également utilisée pour produire des pièces fonctionnelles dans des secteurs aussi exigeants que l’aéronautique ou l’automobile ou le médical. On pourrait donc croire qu’avec elle tout est possible ; pourtant elle présente encore des limites, tant techniques qu’économiques.
La rapidité d’exécution, la grande liberté en matière de design et, dans certains cas le coût à la pièce sont les principaux arguments qui militent en faveur de la fabrication additive plutôt que de l’usinage ou du moulage par injection pour la réalisation de pièces prototype. S’il est indéniable que ces 3 critères sont essentiels à l’amélioration de l’efficience des processus de développement, ils ne répondent pas à eux seuls à l’ensemble des enjeux du prototypage rapide. En se focalisant sur l’impression 3D pour leurs premiers prototypes, les concepteurs s’exposent à plusieurs écueils : restriction sur le choix des matériaux, nécessité d’utiliser quand même les méthodes traditionnelles à un stade ultérieur du projet pour obtenir des pièces « bonne matière » ou « équivalent production », modifications importantes au stade de l’industrialisation liées à une conception incompatible avec les méthodes de production en grandes séries.
Se rapprocher au plus vite de la pièce finale permet de gagner du temps Dans un processus de développement classique, les prototypes interviennent à plusieurs stades pour valider différents aspects du produit (design, assemblage, fonctionnement, durabilité…), et plus le projet est avancé, plus le prototype doit être proche des produits qui sortiront de production. Dans cette logique, l’impression 3D peut être utilisée sur plusieurs itérations pour déceler et corriger les erreurs de conception, tandis que l’usinage ou l’injection seront réservées aux dernières validations (réglementaires par exemple) ou à la fabrication des pré-séries.
Ce processus séquentiel est relativement long, et de plus en plus d’entreprises utilisent d’autres schémas pour réduire leurs délais de mise sur le marché. Elles peuvent par exemple décider de tester très vite, dès les premiers prototypes, les fonctionnalités d’un produit ; ou faire appel à la réalité virtuelle jusqu’à un stade très avancé de la conception et réaliser un prototype de synthèse pour les validations finales. Dans ce cas bien sûr, les pièces prototypes auront tout intérêt à être fabriquées avec les mêmes méthodes que celles qui seront retenues dans le processus industriel.
Au final, il semble plus pertinent de penser « prototypage » de manière globale dès le lancement du projet, en intégrant non seulement la conception du produit mais aussi l’ensemble des tests qui devront être réalisés sur les différentes pièces.
Si la conception implique un surmoulage, si le contexte réglementaire impose de réaliser de nombreux tests avec des pièces bonne matière (résistance chimique, tenue au vieillissement, résistance au feu..) ou s’il est prévu de faire essayer le produit à un panel de consommateurs, avoir recours à l’injection ou à l’usinage peut tout à fait se justifier économiquement.
Des délais très courts avec les technologies avancées d’usinage et d’injection. Sur le marché du prototypage rapide, certaines entreprises ont choisi de tout miser sur les « imprimantes 3D » quand d’autres, comme Proto Labs, ont prouvé que l’usinage et l’injection peuvent aussi répondre aux exigences de coût et de délai du prototypage rapide. Les méthodes traditionnelles ont en effet beaucoup évolué ces dernières années, notamment grâce au digital. Le numérique permet par exemple de créer des processus entièrement connectés, de la station PAO du client à tête de la machine-outil, en passant par une analyse de fabricabilité automatique. Il permet également de mutualiser la capacité de production de centaines de centres d’usinage pour exploiter le moindre créneau disponible. Résultat : 1 à 3 jours suffisent aujourd’hui pour fabriquer jusqu’à 200 pièces usinées ou créer un moule d’injection.
« La fabrication additive est une superbe technologie qui permet énormément de choses, mais qui ne répond pas encore aux besoins de toutes les industries, pour qui l’usinage ou l’injection restent la bonne solution pour la réalisation de prototypes en phase avancée. Notre rôle est de faire que les méthodes traditionnelles de fabrication soient beaucoup plus rapides et moins coûteuses pour que ces industries ne soient pas pénalisées dans leur processus de développement.
Il ne faut pas oublier en effet que les méthodes traditionnelles restent particulièrement compétitives pour la fabrication en série, tant sur le plan du délai que du coût à la pièce. Or, le prototype a vocation à préparer l’industrialisation et ce qui est réalisable en fabrication additive n’est pas forcément transposable à l’usinage ou à l’injection. Certains ingénieurs en font l’amère expérience et sont parfois contraints de revoir leur conception en phase finale, perdant ainsi l’essentiel des bénéfices qu’ils attendaient de l’impression 3D.
Il me paraît donc essentiel de militer pour une approche agnostique du prototypage rapide. En plus de l’impression 3D, le marché offre aujourd’hui d’autres solutions tout aussi rapides, que j’invite les industriels à prendre en compte dès les prémices de leur projet ; ils pourraient bien y trouver des moyens de réduire encore leur temps de développement. »