A lire dans le N°116 d’Electronique Mag http://www.electronique-mag.net/pag...
Au début des années 2000, la France tenait le premier rang des producteurs de téléphones portables en Europe. Mais suite à la crise des télécoms et l’éclatement de la bulle Internet, le paysage de la production électronique française a énormément évolué. La production électronique de grandes séries, pour les marchés grand public a ainsi migré plus à l’Est pour finir en Asie, en voyant s’échapper de nombreux gros EMS (Solectron, Flextronics, Sanmina, etc.). En 2012, le marché mondial de la production électronique représentait 1412 milliards d’euros, avec parmi les 50 premiers acteurs mondiaux, 11 sociétés européennes dont 3 françaises. Au fil des années, la production électronique française a dû s’adapter, en tirant même son épingle du jeu. D’après le syndicat de fabricants d’électronique et services associés (SNESE), les sous-traitants français représentent en 2016 plus de 500 entreprises pour un chiffre d’affaires total estimé à plus de 5 milliards d’euros. En se recentrant sur les marchés de l’électronique professionnelle après une crise économique financière difficile en 2009, la production électronique française a réussi sa mutation, et permis des croissances significatives (environ 10% en 13 années selon le SNESE). Les différences indices d’ACSIEL confirment très largement ces données, comme celui de l’indice Consommables du collège Equipements et Services (E&S), véritable thermomètre de la profession, qui a vu une progression de 21% depuis décembre 2012.
En 2014 selon les estimations du cabinet Décision, nous pouvions noter que 25 % de la production mondiale d’électronique automobile est réalisée en Europe, 25 % également pour l’électronique médicale, 30 % de la production mondiale d’aéronautique de défense et 35 % de la production mondiale d’électronique industrielle. Cette concentration pour une production orientée pour les marchés de l’électronique professionnelle, basée sur de la production à valeur ajoutée, parfois en délai court, a bien sûr été dictée par d’une part la concurrence forte des pays asiatiques, mais également par la multiplication des débouchées de l’électronique. Cette évolution de « l’électronique est partout », hier objet de consommation comme l’informatique ou les télécom, s’est retrouvée dans tous les objets du quotidien. La multiplication des applications dans les objets connectés, traduit une vitalité des concepteurs pour les objets électroniques. La chaine de valeur implique qu’elle soit la plus courte possible, pour garantir une réactivité et flexibilité maximales. Nombreux sous-traitants français ont ainsi construit des partenariats industriels avec des startups françaises, pour les accompagner dès les phases de conception. Assez récemment, la maturité de certaines sociétés d’IoT ont permis de créer de nouvelles unités de production avec des investissements propres. Preuve que le dynamisme des nouveaux marchés, que l’investissement de ces filières, permet de maintenir voire augmenter la production locale. Autre marché fort contributeur de l’électronique, la part de l’électronique dans l’automobile augmente chaque année, grâce à des systèmes électroniques embarqués de plus en plus sophistiqués et nombreux. Chez RENAULT par exemple, les grands axes d’avenir de la filière sont la voiture électrique, la voiture connectée et la voiture automatisée. Ce sont de puissants leviers de croissance pour la filière automobile française. Les nombreux efforts de recherche et développement investis par les équipementiers et constructeurs (là encore certains en France) permettent de maintenir une production de haut-niveau et surtout capacitaire.
Avec une croissance importante depuis plus d’une dizaine d’années, la production française ne s’était pas mise au niveau des futurs enjeux malgré des investissements vieillissants. Rappelons que les machines industrielles françaises ont une moyenne d’âge de 19 ans, même si l’électronique française apparait comme très bon élève sur ce point. Comme le rappelait si justement le SNESE, la compétitivité française ne pourra pas échapper à des investissements significatifs dans des machines automatiques très performantes. La technicité des lignes CMS est désormais un point clé, avec des équipements qui d’une part doivent atteindre des niveaux de cadence importants et d’autre part des outils de contrôle de plus en plus sophistiqués, comme récemment les AOI 3D. Les câbleurs français ont amorcé depuis quelques années une véritable mutation avec des investissements importants pour se mettre à niveau ; les derniers indices Machines et Services du collège E&S d’ACSIEL montrent une très forte progression depuis 2013, soit plus de 45%. Ainsi ces nouveaux marchés professionnels visés imposent de plus en plus un taux de défaut proche du marché électronique automobile. C’est également par cette filière qu’est arrivé le concept, désormais un axe de développement de valeur, de l’Industrie 4.0 (en France représenté par l’Alliance pour l’Industrie du Futur). Cette transformation de la façon même de produire représente la 4ème révolution industrielle. Elle est surtout le moyen de remettre l’outil de production dans une nouvelle ère, celle du « coworking » manufacturier. Les machines doivent apprendre à dialoguer entre elles, prendre des décisions, anticiper d’éventuelles failles. Elles y sont fortement aidées par des logiciels superviseurs (exemple des logiciels MES pour la production électronique), qui vont s’assurer du respect de chaque étape. L’Industrie 4.0 bouscule toutes les dimensions de la chaine de valeur, par des intégrations verticales et horizontales à chaque niveau, bien au-delà de l’établissement. Clients et fournisseurs, production et logistique, sont interconnectés. En complément d’une offre conséquente chez les fournisseurs d’équipements et services, de nombreuses incitations financières complètement le dispositif (aides régionales, suramortissement, etc.).
L’innovation, l’industrie 4.0, sont les futurs axes de développement de l’électronique en France Ils expliquent la hausse du niveau de compétences recherchées. D’après l’ONISEP en 2012, l’industrie électronique comptait environ 60 % d’ingénieurs et techniciens, pour seulement 27 % d’ouvriers. Au coeur du dispositif manufacturier, les techniciens manquaient déjà à l’appel. Sur 16.000 entrants en BEP, seuls 1.800 s’orientaient vers une carrière dans l’électronique. Aujourd’hui il n’existe plus de BEP Electronique, ceci explique sans doute le peu d’entrants en électronique des BEP au sens large, sachant qu’une entreprise de notre filière peut être intéressées par des BEP du secteur mécanique par exemple. Le paradoxe est bien qu’il n’y a plus de formations académiques sur l’électronique dans le secondaire et que s’il y a des formations académiques dans le supérieur, les technologies de fabrication des cartes électroniques (industrialisation/ production) n’ont jamais été enseignées. Hormis au niveau de quelques licences professionnelles ou les rares BTS Systèmes numériques option électronique et hormis au niveau d’IUT GE. Or, sans connaître la fabrication de l’électronique, on ne peut pas être compétent en électronique et en conception électronique. Ainsi ceci pousse même les entreprises industrielles à ouvrir leurs propres établissements de formation. Créé en 1967 et au coeur de la formation professionnelle continue, l’IFTEC, spécialisé dans le domaine de la fabrication des cartes électronique, voit augmenter d’années en années le nombres de ses stagiaires. Sa très forte croissance depuis plusieurs années, tirée en partie par l’IPC (certifications et Normes/standards - guides de bonnes pratiques) illustre bien l’existence forte d’une production de cartes électroniques en France, ainsi que le besoin de monter en compétence des entreprises et de leurs personnels pour coller aux évolutions des techniques. D’autres initiatives dans ce domaine associant industriels et rectorats sont en cours avec le soutien actif d’Acsiel et de ses membres (plastronique, hyperfréquences, etc..) et feront l’objet d’articles à venir.
Notre production électronique en France est donc en bonne santé, et cela profite à toute la filière. L’enjeu des prochaines années est bel et bien de garder cet écosystème (conception, fabrication, équipements, composants, etc.) au coeur de l’industrie française, et ce grâce à un dynamisme de tous les acteurs.
Produire en France n’est pas une contrainte, mais bien la preuve que cela marche. Plusieurs relocalisations de fabrication électronique dans l’hexagone, souvent grâce à la combinaison de multiples facteurs comme la réindustrialisation du produit pour réduite les coûts ou encore l’adaptation de l’outil de production à des usages plus automatiques, ont démontré la pertinence d’une offre adaptée Made in France. Gageons que ces exemples deviennent dans les années à venir des réflexes.